Il faut un village pour protéger les défenseur-euse-s des droits humains

juin 22, 2021

Drapeaux du Prix Martin Ennals sur le Pont du Mont Blanc, 2021

Cristina Rendon a rejoint la Fondation Martin Ennals (FME) il y a près d’un an en tant que responsable de programme, avec pour objectif d’élargir le soutien offert aux défenseurs et défenseuses des droits humains (DDH) récompensé-e-s par le Prix Martin Ennals. Elle gère le Réseau des défenseur-euse-s du Prix Martin Ennals et coordonne la Geneva Residency, un programme conçu pour amplifier l’impact et réduire les risques associés au travail des activistes des droits humains.

Grâce aux nombreuses opportunités que la Suisse et la Genève internationale ont à offrir aux DDH, la FME élabore un programme unique pour chaque finaliste du Prix, avec des offres de formation, de plaidoyer et de développement personnel pendant le séjour des lauréat-e-s à Genève lors de la cérémonie de remise du Prix. Mais en 2021, rien ne s’est passé comme prévu en raison du COVID-19 et de la situation personnelle de nos finalistes. Ce qui aurait pu être un écueil a pourtant ouvert la porte à de nouveaux horizons. Cristina nous fait part de ce parcours dans les lignes qui suivent.

Une rencontre impossible

J’avais hâte de rencontrer les finalistes du Prix Martin Ennals. Leur parcours ayant suscité mon admiration et renforcé mon souhait de les soutenir par le biais de la Geneva Residency. 

Cette année pourtant, les trois finalistes partagent un point commun qui nous a contraint à réinventer notre mission. Aucun d’entre eux/elles n’a pu entendre directement parler de sa nomination au Prix Martin Ennals, aucun d’entre eux n’a pu assister à la cérémonie de remise du Prix au cours de laquelle le Jury a souligné leur engagement inébranlable en faveur des libertés fondamentales. Et ceci n’est pas uniquement dû au COVID-19. Yu Wensheng est emprisonné en Chine et privé de ses droits fondamentaux. En Arabie Saoudite, Loujain Al Hathloul reste réduite au silence et soumise à une interdiction de voyager après trois ans de détention. Au Turkménistan enfin, Soltan Achilova continue de faire des reportages malgré la censure, mais elle reste interdite de quitter le pays depuis 2019.

Réinventer notre mission 

Comment donc faire bénéficier nos trois finaliste-e-s absent-e-s de la Geneva Residency? Et comment faire connaître leur travail alors que leurs familles n’avaient pratiquement plus de nouvelles d’eux/elles depuis des mois ? Nous avons convenu que si ce n’était la voix des lauréat-e-s, que nous pouvions entendre, ce pourrait être celle de leur entourage ayant courageusement repris le flambeau de leur combat. Et si nous ne pouvions pas soutenir directement nos finalistes, nous pouvions étendre notre offre à leurs proches dans plusieurs domaines : 

  • Sécurité numérique
  • Collecte de fonds
  • Développement personnel
  • Liens avec le secteur académique
  • Plaidoyer et sensibilisation

Grâce à un soutien sur mesure, la Fondation Martin Ennals a ainsi pu contribuer à la pérennité des organisations, des campagnes et des réseaux qui soutiennent ces trois défenseurs et défenseuses des droits humains. Nous les avons aidés à faire face aux défis liés aux persécutions et aux attaques numériques et avons également fait en sorte que leur situation et les causes qu’ils défendent continuent de retenir l’attention des sphères politiques et diplomatiques, ainsi que du public.

L’importance de l’entourage des défenseur-euse-s

Ces mois de travail avec eux ont souligné l’importance de soutenir les défenseurs et défenseuses des droits humains, mais également d’inclure à ces démarches leur entourage, composé d’individus incroyablement courageux et engagés. Farid Tuhbatullin et l’Initiative turkmène pour les droits de l’homme sont en première ligne pour offrir une plateforme d’expression à Soltan Achilova ainsi qu’à d’autres militant-e-s au Turkménistan. En Chine, Xu Yan lutte sans relâche contre la détention arbitraire de son mari Yu Wensheng. Et en Arabie saoudite, le soutien indéfectible de sa famille a joué un rôle fondamental dans la libération de Loujain Al Hathloul.  

Un dicton dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Retenons qu’il faut aussi un village pour protéger les droits humains et soutenir ceux qui les défendent.

Cristina Rendon