Cette année, la Fondation Martin Ennals célèbre le 30e anniversaire du Prix Martin Ennals, une distinction prestigieuse décernée aux défenseur-euse-s des droits humains les plus remarquables par un jury composé de dix organisations de premier plan du mouvement des droits humains.
Le prix a été créé en 1994 pour reconnaître, promouvoir et protéger les défenseur-euse-s des droits humains en danger ou dans des contextes peu médiatisés. Il se termine chaque année par une cérémonie publique à Genève, organisée conjointement avec la ville de Genève. Au fil des ans, le prix a offert aux défenseur-euse-s une tribune pour aborder des questions d’intérêt mondial et des liens pour orienter le mouvement en faveur des droits humains et des libertés les plus larges.
Le jury a distingué 55 défenseur-euse-s au cours des 30 dernières années, originaires de 38 pays et issu-e-s de toutes les couches de la société : avocat-e-s, journalistes, universitaires, médecins, religieux, femmes et hommes au foyer, étudiant-e-s et militant-e-s de base. Leurs voix ont illustré certaines des demandes les plus importantes en matière de droits humains au cours des dernières décennies : une justice libre et équitable pour les violations commises par les forces de sécurité ; l’accès à l’information et la liberté d’expression pour dénoncer les pratiques et les autorités répressives ; la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et l’importance de la participation pleine et égale des femmes dans la société ; le rôle essentiel de la société civile dans la résolution des conflits et des situations post-conflit ; le rôle des entreprises dans l’exploitation des ressources naturelles contre les droits à la terre des populations autochtones ; ou le rôle des puissances mondiales dans les violations du droit à la vie des migrant-e-s.
Le Prix Martin Ennals 2024 a perpétué cet héritage et a récompensé deux défenseur-euse-s des droits humains exceptionnel-le-s qui se sont donné-e-s pour mission de protéger les droits humains dans leurs communautés et leurs pays, bien qu’ils et elles évoluent dans des environnements profondément répressifs.
Une discussion publique avec les membres du jury a eu lieu dans le prolongement nocturne de la cérémonie et a été l’occasion de présenter les questions qui façonneront l’avenir du prix.
Zholia Parsi : est une enseignante de Kaboul, en Afghanistan. Après avoir perdu sa carrière et vu ses filles privées d’éducation suite à la prise de pouvoir des talibans en août 2021, elle a fondé un mouvement de contestation, le Spontaneous Movement of Afghan Women (SMAW), pour protester contre le retour de politiques et de pratiques contraires aux droits des femmes et aux libertés fondamentales. Elle a fait preuve d’un leadership et d’une résilience remarquables en organisant de nombreuses manifestations publiques malgré les risques encourus. Mouvement populaire, le SMAW a rapidement pris de l’ampleur à Kaboul et dans d’autres provinces. Il compte aujourd’hui 180 membres et a mobilisé les communautés pour résister aux politiques et pratiques talibanes.
En septembre 2023, Zholia Parsi a été arrêtée dans la rue par des talibans armés puis détenue, en même temps que son fils. Elle a été libérée après trois mois de torture et de mauvais traitements, ce qui a renforcé sa détermination à résister à l’oppression et à la répression talibanes.
Manuchehr Kholiqnazarov : est un avocat pamiri, originaire de la région autonome du Haut-Badakhchan (GBAO) au Tadjikistan. Il purge actuellement une peine de 16 ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès largement considéré comme inéquitable et en représailles de son travail en faveur des droits humains.
En tant que directeur de l’Association des avocats du Pamir, il a mené des actions de plaidoyer stratégiques dans le GBAO – une région caractérisée par sa minorité ethnique et ses tensions historiques avec le gouvernement central – en demandant notamment l’incorporation des normes internationales en matière de droits humains dans la législation et les pratiques nationales, et en offrant un soutien juridique aux résidentes et résidents du GBAO.
Dans le cadre d’initiatives locales, la Commission 44 et le Groupe 6, il a joué un rôle clé dans l’enquête sur la mort de Gulbiddin Ziyobekov en novembre 2021, une figure de la jeunesse pamirie, et sur la répression violente du mouvement de manifestation qui s’est ensuivie dans la capitale régionale de Khorog. Cette enquête a permis de recueillir des preuves essentielles de l’homicide illégal, voire de l’exécution extrajudiciaire de ce jeune homme, ainsi que de l’usage illégal de la force par les forces de sécurité contre les manifestantes et manifestants, entraînant la mort de deux personnes, dix-sept blessés et des centaines d’arrestations.
Il a été arrêté le 28 mai 2022 avec deux autres membres de la Commission 44, dans un contexte de répression généralisée contre les figures de proue locales et les résidents du GBAO.
Faites connaissance avec les lauréat-e-s de 2024 en regardant l’enregistrement notre traditionnelle cérémonie de remise des prix le jeudi 21 novembre à 18h30 CET, dans la salle communale de Plainpalais, rue de Carouge 52, à Genève.
La cérémonie, organisée conjointement avec la Ville de Genève, a été l’occasion de découvrir les deux lauréat-e-s de 2024 : qui ils sont, leurs aspirations et ce qu’ils ont fait pour mettre les droits humains au premier plan. Leurs histoires inspirantes illustrent des luttes essentielles pour les droits humains que le monde doit entendre, pour la paix, la dignité et l’égalité de tout-e-s. La cérémonie de remise des prix sera suivie d’un cocktail offert par la Ville de Genève.
Les festivités se se poursuivies le jeudi 21 novembre avec une discussion nocturne pour célébrer le 30e anniversaire du prix Martin Ennals. Depuis 1994, ce sont les délibérations minutieuses du jury qui ont permis de récompenser certains des défenseur-e-s et organisations des droits humains les plus remarquables. La Fondation a eu le plaisir d’offrir une occasion spéciale d’écouter les réflexions internes d’organisations de premier plan sur l’état des droits humains dans le monde et sur la manière de les reconquérir.
La discussion a eu lieu dans la Salle communale de Plainpalais et a été guidée par Cynthia Houniuhi, lauréate du Young Activists Summit 2024, qui a pu poser les questions les plus brûlantes de tout le monde.
Chaque année, les membres du jury suivent un processus minutieux et difficile pour identifier les noms des lauréat-e-s de l’année. La grande qualité des candidatures reçues en 2024 a notamment poussé le jury à distinguer non seulement deux lauréat-e-s, mais aussi à reconnaître certain-e-s des candidat-e-s les plus remarquables qu’il a examiné-e-s.
Ainsi, la Fondation a lancé les festivités de 2024 avec une série de portraits de ces défenseur-euse-s des droits humains hors du commun.
Forte de l’expérience d’un précédent lauréat Martin Ennals spécialisé dans la détention et le contexte migratoire, la Fondation souhaite profiter des festivités du 30e anniversaire pour mettre en lumière les violations systématiques des droits des migrant-e-s et les lacunes persistantes en matière de protection. Déjà parmi les plus touchés, les défenseur-euse-s des droits humains qui sont en déplacement, déplacés ou exilés font face à des répercussions supplémentaires pour leurs activités légitimes et pour s’élever contre les limites de la démocratie.
L’événement présentera des témoignages vidéo recueillis auprès de candidat-e-s exceptionnel-le-s du processus de nomination pour 2024 afin de donner une image vivante de la migration aujourd’hui et de discuter des pistes d’amélioration.
L’événement a eu lieu le mercredi 13 novembre à 18:30 CET, dans le cadre de la semaine des droits de l’homme organisée par l’Université de Genève sous le thème « Les incertitudes de la démocratie ». L’enregistrement peut être visionné ici.