Militant des droits de l’homme syrien, Akhtam Naisse est l’un des fondateurs du Comité pour la défense des libertés démocratiques et des droits de l’homme en Syrie (CDF), créé en décembre 1989. Pionnier dans la défense des prisonniers politiques en Syrie, le CDF a, dès ses débuts, appelé à l’abrogation de la loi sur l’état d’urgence de 1963 et à des réformes politiques.
Dans le but de renforcer son opposition au régime syrien, Naisse a commencé à publier la revue Sawt Ad-Dimouqratiya (La voix de la démocratie), ce qui lui a valu de s’attirer les foudres des autorités syriennes qui voyaient déjà d’un mauvais oeil le travail qu’il accomplissait “illégalement” au sein de son ONG.
Travailler clandestinement n’était pas chose nouvelle pour Naisse: avant de créer son ONG, il a tenté d’obtenir en vain pendant 15 ans la permission du gouvernement pour travailler ouvertement et librement sur les questions des droits de l’homme en Syrie.
Naisse a été arrêté le 18 décembre 1991, quelques jours après le deuxième anniversaire du CDF. Avant d’être condamné à neuf ans de prison suite à un procès inéquitable, il a été victime de tortures. En 1996, il a bénéficié d’une libération provisoire. A sa sortie, il a repris ses activités de militant des droits de l’homme et a continué à s’opposer aux autorités syriennes sur le plan des réformes démocratiques et des violations des droits de l’homme. Il a continué de critiquer de manière virulente l’état d’urgence, ce qui lui a valu d’être à nouveau mis en prison cinq fois entre 1996 et 1998.
Juste après sa libération en 1998, il a poursuivi son combat au sein du CDF en lançant une campagne en faveur de la levée de l’état d’urgence et du retour de tous les exilés syriens dans leur pays.
Près d’un an après, en 2000, Bachar Al-Assad a pris le pouvoir en Syrie suite à la mort de son père Hafez et a promis des « réformes politiques ». Six cents prisonniers politiques ont été libérés en novembre 2000, les groupes de la société civile semblaient bénéficier d’une plus grande tolérance des autorités, plus de soixante forums de discussions ont été créés; tout portait donc à croire qu’avec l’arrivée au pouvoir du jeune président, la Syrie était entrée dans une ère nouvelle. Mais les espoirs ont été de courte durée et les promesses des « réformes politiques » vite balayées par les années sombres qui ont suivi.
En 2001, la plupart des forums de discussion nouvellement créés et les groupes de la société civile avaient disparu. En juin 2002, le parlement européen a adopté une résolution condamnant l’emprisonnement d’intellectuels et d’opposants politiques syriens.
Le 27 août 2003, les autorités ont exigé la fermeture du CDF. Menacé en permanence, Naisse ne s’est pas résolu pour autant à abandonner ses activités de militant au CDF et a redoublé d’efforts.
Début 2004, le CDF a publié une pétition signée par sept mille intellectuels demandant l’abrogation de la loi sur l’état d’urgence. Le 8 mars de la même année, date anniversaire des quarante-et-un ans de règne du parti Baath, Naisse a organisé un sit-in pacifique devant le parlement à Damas, au cours duquel les participants ont demandé la mise en oeuvre de réformes démocratiques et la libération de prisonniers politiques.
Sept cents manifestants auraient été arrêtés mais libérés le lendemain. Un mois après, Naisse a été convoqué et arrêté par les services de la sécurité militaire à Latakia, dans l’ouest de la Syrie.
Accusé de « s’opposer aux objectifs de la révolution » et de « dissémination d’informations en vue d’affaiblir l’Etat », il risquait quinze ans de prison.
Naisse était alors habitué aux “méthodes” drastiques du régime syrien pour avoir été pendant dix ans menacé et harcelé par les autorités. Les services de sécurité étaient même allés jusqu’à battre sa mère en 2003.
La FIDH, l’OMCT, Frontline, le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’homme et d’autres organisations internationales des droits de l’homme se sont mobilisées sur le champ et ont fait campagne pour sa libération.
Naisse a été récompensé par le prix international pour les droits de l’homme Ludovic Darieux 2004 alors qu’il était en détention.
Naisse a eu une crise cardiaque alors qu’il était en détention en attente de son procès, sans doute parce qu’il n’avait bénéficié d’aucun traitement médical pour ses problèmes de coeur et de rein. Craignant que cette crise cardiaque ne lui soit fatale, la Cour suprême de la sûreté de l’Etat syrienne (CSSE) l’a mis en liberté conditionnelle la 17 août 2004 avec une amende de dix mille livres syriennes et a demandé aux autorités de lever les accusations pesant contre lui.
Son procès a été ajourné plusieurs fois et à chacune des audiences, les militants syriens n’ont pas manqué de montré leur soutien. Le 24 avril 2005, plus de deux cents personnes étaient rassemblées devant la CSSE à Damas pour manifester. Il a finalement été acquitté par la cour le 26 juin 2005.
La nouvelle de sa libération a été accueillie avec satisfaction à travers le monde. Quelques jours avant son procès, Naisse avait écrit à la Fondation Martin Ennals: « Je me sens plus motivé et plus heureux parce qu’il y a des personnes qui s’intéressent à notre problème, qui s’inquiètent pour nous et nous soutiennent dans notre lutte pour la liberté humaine. Je ressens une grande émotion à l’idée que nous ne sommes pas seuls à lutter contre les violations des droits de l’homme.”.
Le 12 octobre 2005, Naisse a reçu le Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme à l’occasion d’une cérémonie qui s’est tenue au Bâtiment des forces motrices à Genève.
Naisse était jusqu’à récemment surveillé en permanence par les autorités syriennes. « Exilé de l’intérieur », il était interdit de voyages depuis octobre 2008. En 2011 le gouvernement a lancé une répression sanglante contre l’opposition; au mois d’août de cette année la ville de Latakia était bombardée par terre et par mer, heureusement Aktham Naisse a pu se réfugier en Europe.