Vietnam, à la hauteur de ses engagements en matière de droits de l’homme

juillet 27, 2022

Le Vietnam a annoncé sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour 2023-2025, s’engageant, selon la presse, à « mettre l’accent sur la protection des groupes vulnérables et la lutte contre la violence et la discrimination à leur égard ; la promotion de l’égalité entre les sexes, en particulier pour les femmes et les filles à l’ère de la transformation numérique ; ainsi que la résolution des problèmes mondiaux, en particulier le changement climatique. »

Ces déclarations ne seraient pas sans surprendre Pham Doan Trang, l’une des trois lauréat-e-s du prestigieux Prix Martin Ennals 2022 ; elle a été détenue arbitrairement au Vietnam pour son activisme en faveur de la liberté d’expression et de la démocratie en 2020. La Fondation Martin Ennals décrit le militantisme de Trang comme la promotion pacifique d’un large éventail de sujets, de la liberté de réunion aux droits des femmes, en passant par les questions environnementales. L’organisation écrit : « Elle a cofondé plusieurs médias notoires, tels que le magazine Luat Khoa, qui propose des analyses politiques et juridiques, Green Trees, la seule organisation clandestine de défense des droits environnementaux pro-démocratie au Vietnam ou encore Liberal Publishing House, qui imprime des livres interdits écrits par des figures de la société civile vietnamienne. » Son principal outil était son stylo ou son téléphone.

Pham Doan Trang n’est pas la seule. Selon Human Rights Watch, il y a actuellement au moins 153 prisonniers politiques au Vietnam, presque tous accusés de crimes vagues tels que « la propagande contre l’État » ou « l’atteinte aux intérêts de l’État en vertu de l’article 331 du code pénal ».

Le rythme et la sévérité de la répression des défenseur-euse-s des droits humains se sont intensifiés ces dernières années au Vietnam, justifiés par un cadre juridique qui viole clairement les obligations internationales du pays en matière de droits humains. Ces violations ont été signalées par divers experts de l’ONU, à commencer par le bureau de l’ONU dans le pays en 2017 et, spécifiquement dans le cas de Pham Doan Trang, par le Groupe de travail sur la détention arbitraire dans son Avis n° 40/2021.

« Tigre » de l’Asie du Sud-Est, le Vietnam se distingue des pays limitrophes : alors que ses voisins attirent l’attention à cause des crises politiques successives qu’ils traversent ou de leur pauvreté, le Vietnam est plus connu comme une destination attrayante pour les investissements ou le tourisme. Le cas de Pham Doan Trang est emblématique de l’affaiblissement de la thèse selon laquelle le développement économique entraîne l’essor des libertés démocratiques. La situation des droits humains au Vietnam continue de se dégrader malgré l’engagement croissant du pays dans l’économie mondiale. Le Vietnam a réussi, grâce à ses efforts pour changer d’image, à nous faire oublier que c’était un État autoritaire, à parti unique, où les libertés étaient limitées.

L’affaire Trang devrait être entendue en appel d’un jour à l’autre même si, assurément, le système judiciaire vietnamien ne brille pas par son indépendance et n’a pas coutume d’annuler les persécutions gouvernementales. Il est peu probable qu’elle soit exonérée ou même qu’elle bénéficie d’un répit temporaire, malgré les inquiétudes croissantes concernant sa santé.

Néanmoins, sa famille et ses collègues soulignent que l’attention accrue portée à son cas grâce au Prix Martin Ennals (ainsi qu’au Prix international de la femme de courage que le département d’État américain lui a récemment décerné) est cruciale pour elle et les autres prisonniers politiques au Vietnam, car cette visibilité est la preuve qu’on ne les oublie pas et que leurs sacrifices ont réussi à mettre en lumière l’intolérance croissante du gouvernement vietnamien.

Que peut-on faire de plus ?

C’est précisément le rôle du Conseil des droits de l’homme de surveiller et d’évaluer le bilan de tous les États en matière de droits humains, et en particulier celui des candidats (et bien sûr des membres) au Conseil. Critiquer ce bilan, et proposer des recommandations pour l’améliorer, ne sont pas incompatibles avec l’engagement politique. En réalité, comme le montrent clairement les Objectifs de développement durable des Nations unies, l’engagement en faveur de l’état de droit et des droits humains est une composante essentielle des obligations des États.

Le Vietnam doit répondre de ses obligations internationales en matière de droits humains et doit libérer immédiatement Pham Doan Trang et tous les prisonniers politiques comme elle. Le cadre juridique utilisé pour les piéger doit être réformé pour être conforme aux normes internationales. Et le Vietnam doit, de toute urgence, chérir et protéger la société civile et les défenseurs des droits humains dans le pays, d’autant plus s’il souhaite obtenir à nouveau un siège au Conseil des droits de l’homme.

Saman Zia-Zarifi – Secrétaire général, Cour internationale de Justice