Pham Doan Trang est aussi une défenseuse de l’environnement au Vietnam

mai 23, 2022

« Dans le monde entier, l’environnement est de plus en plus un sujet de préoccupation, mais au Vietnam, on n’en parle pas. Seuls les droits humains fondamentaux comptent. »

Pham Doan Trang, l’une des trois lauréat-e-s du Prix Martin Ennals 2022, est une éminente défenseuse des droits humains qui se consacre corps et âme à un large éventail de causes. Elle est néanmoins moins connue pour son militantisme contre la dégradation de l’environnement. Pourtant, Trang est la cofondatrice de Green Trees, la seule organisation de défense de l’environnement clandestine et pro-démocratique du Vietnam. Au fil des ans, elle a documenté les catastrophes environnementales causées par l’Homme et leur impact sur les droits humains à l’échelle locale.

En se fondant sur les données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Joint Nature Conservation Committee (JNCC) a publié en 2021 un rapport sur l’impact de la pollution environnementale sur la biodiversité ; au Vietnam, 1 020 espèces seraient en danger, dont 335 directement menacées par les activités humaines. La crise environnementale au Vietnam a également un impact direct sur la qualité de vie de la population humaine. Le ministère vietnamien des Ressources naturelles et de l’Environnement estime que jusqu’à 80 % des maladies au Vietnam sont liées à la pollution de l’eau.

En 2016, Pham Doan Trang a contribué à l’une des initiatives les plus extraordinaires de lutte contre l’impunité en matière de catastrophes environnementales d’origine humaine au Vietnam. Elle a suivi, documenté et dénoncé les retombées environnementales causées par les activités de la société taïwanaise Formosa Plastic Group qui opère à Da Nang (au centre du Vietnam). L’entreprise a admis sa responsabilité dans la catastrophe environnementale où 70 tonnes de poissons sont mortes à cause des déchets industriels toxiques déversés par l’aciérie dans les cours d’eau naturels. Trang a participé à l’action de groupe engagée contre la société en créant notamment une chronologie détaillant la catastrophe. Elle a rassemblé des preuves établissant que les déchets chimiques ont également causé de graves problèmes de santé et même les décès des personnes exposées aux eaux de la rivière et à la consommation de poissons empoisonnés.

Formosa s’est engagée à verser 500 millions de dollars pour le nettoyage et l’indemnisation de la population locale. Mais grâce au travail de Trang qui a contribué à mettre au jour la catastrophe, c’est l’une des premières fois qu’une telle condamnation en justice a été prononcée. Dans son livre intitulé An Overview of the Marine Life Disaster in Vietnam (Un aperçu de la catastrophe de la vie marine au Vietnam), Mme Trang décrit en détail l’incapacité des autorités vietnamiennes à gérer la catastrophe écologique et critique la lenteur de leur réaction qu’elle qualifie d’irresponsable. Elle a révélé comment les agences gouvernementales ont agi de manière incohérente et contradictoire, mais aussi la manière dont le manque de transparence et de prise de responsabilité du gouvernement a entravé le processus d’enquête, voire bloqué les efforts de résolution de la crise. Mme Trang a dressé un constat plus grave encore : dans cette catastrophe, le gouvernement aurait étouffé les droits des citoyens.

Accusée de faire de la « propagande anti-étatique », Pham Doan Trang a été emprisonnée arbitrairement en 2020 par les autorités vietnamiennes. Elle a été détenue au secret pendant de nombreux mois, puis jugée et condamnée à neuf ans de détention. Son travail a été largement reconnu au cours des derniers mois : elle a remporté différents prix, notamment le Women of Courage Award 2022 du département d’État américain et le prix britanno-canadien Media Freedom Award 2022. Les États-Unis et de nombreuses organisations de la société civile ont condamné le procès inéquitable de Trang.

La Fondation Martin Ennals appelle les autorités vietnamiennes à libérer immédiatement Mme Trang.