Le Joint Mobile Group (ci-après JMG) se focalise sur des violations de droits humains (disparitions forcées, torture en détention et exécutions extrajudiciaires) perpétrées en Tchétchénie. En 2009, suite aux meurtres de Natalia Estemirova, Zarema Saydulayeva et Alik Dzhabrailov, qui enquêtaient sur des violations de droits humains en Tchétchénie, il est devenu très dangereux de travailler dans cette région. Les organisations qui y étaient établies ont été forcées de mettre fin à leurs activités. Dans ce contexte, Igor Kalyapin, qui dirige le Comité contre la Torture (CAT), a adopté une nouvelle approche.
Le JMG, qui est coordonné par le CAT, travaille directement avec des avocats de droits humains qui se portent volontaires pour enquêter sur des abus commis en Tchétchénie. Ils mènent des missions de courte durée dans la région et ensuite s’en vont. Cela leur a permis d’enquêter sur des cas d’enlèvement, de torture, de disparitions forcées et de meurtres. Ils soutiennent les victimes et leurs familles et se mettent à disposition 24h/24 pour éviter les représailles. JMG est devenue l’une des principales sources d’informations sur les violations de droits humains commises dans la République Tchétchène. Ils utilisent ensuite ces informations pour faire pression sur les autorités.
Malgré une impunité quasi-totale pour les violations de droits humains perpétrées par les autorités, certains succès peuvent être mentionnés. Par exemple, Islam Umarpashaev a été kidnappé en décembre 2009 et n’a pu communiquer avec qui que ce soit pendant plusieurs mois. Grâce aux efforts du JMG et de son leader Igor Kalyapin, il y a eu des avancées sur ce cas. JMG a aidé la famille d’Islam Umarpashaev de porter le cas devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en 2010. Ceci a permis la libération d’Umarpashaev en avril 2010. En janvier 2011, suite à une importante campagne publique, le dossier d’enquête a été transféré au niveau fédéral, mais il n’y a pas eu beaucoup de résultats depuis.
JMG a permis de révéler le manque de volonté politique de résoudre la question des violations de droits humains. Leur approche consiste à utiliser le système judiciaire russe mais aussi de recourir aux mécanismes internationaux que la Russie a ratifiés. Malgré les dangers, ils ont réussi à enquêter sur des cas dans lesquels les autorités russes sont impliquées.
Les membres du JMG sont souvent menacés, détenus et intimidés. En juin 2012, le leader Tchétchène, Ramzan Kadyrov, a lui-même émis des menaces à l’encontre de trois avocats du JMG durant une émission télévisée. Un mois plus tard, des enquêteurs fédéraux ont interrogé Igor Kalyapin dans le cadre d’une procédure criminelle pour une supposée violation du secret judiciaire relative au cas d’Islam Umarpashaev. Ce fut la troisième tentative des autorités russes d’ouvrir une procédure à l’encontre de Kalyapin. En dépit de ces menaces, les avocats du JMG continuent leur travail, sachant que s’ils arrêtent, les victimes et leurs familles n’auraient personne à qui demander de l’aide.
Igor Kalyapin est à l’origine du JMG, mais il faut aussi rappeler que c’est le travail de plusieurs anonymes qui collaborent avec le JMG qui permet de faire en sorte que les autorités soient responsables des actes qu’elles commentent.