Yu Wensheng, un avocat qui demande des comptes à son gouvernement

février 15, 2021

Yu Wensheng s’est battu pour obtenir des réformes constitutionnelles en Chine et a défendu d’autres militants arrêtés en raison de leur combat pour les droits humains. Son activisme lui a valu de s’attirer les foudres du gouvernement chinois et d’être condamné à plusieurs années de prison pour « subversion du pouvoir de l’État ». Le Prix Martin Ennals 2021 lui a été décerné le 11 février 2021 pour son courage exceptionnel et son engagement infaillible en faveur de l’État de droit.  

Une journée de célébration

Au lendemain de la remise du Prix Martin Ennals, la famille de Yu Wensheng préparait les festivités du Nouvel An lunaire chinois. « J’ai acheté plein de bonnes choses. Nous sommes restés à la maison et avons passé du bon temps ensemble, mon fils et moi », nous a confié sa femme Xu Yan. Malgré la tristesse de savoir son mari emprisonné, Xu Yan veut rester positive : « Le Prix Martin Ennals est le meilleur cadeau que l’on ait pu faire à notre famille. Il nous redonne espoir et nous rend plus forts. Je ne renoncerai jamais à me battre pour mon mari», a-t-elle ajouté. 

Un célèbre avocat des droits humains

Né dans une famille de cadres à Pékin avec un père aux Affaires étrangères, Yu Wensheng a eu, dès son plus jeune âge, accès aux médias internationaux et a découvert très tôt des concepts tels que l’État de droit, la démocratie et les droits humains. Il a débuté sa carrière d’avocat dans le milieu des affaires, mais il a rapidement abandonné son entreprise florissante pour mettre ses compétences juridiques au service de la promotion et de la protection des droits humains. Il a écrit des articles et fait plusieurs déclarations publiques pour défendre la démocratie et demander à son gouvernement de rendre des comptes à ses citoyens. Yu Wensheng a défendu avec ferveur les droits des personnes détenues, en particulier ceux d’autres éminents avocats, arrêtés en 2015 pour leur combat pour les droits humains dans le cadre de la vague de répression « 709 ». Il a choisi de poursuivre sa lutte malgré les risques importants encourus. En 2018, dans une lettre ouverte, Yu Wensheng a osé demander des réformes constitutionnelles au gouvernement chinois. Il a été arrêté dès le lendemain.   

« Yu est un prisonnier d’opinion. S’il est détenu, c’est parce qu’il a exercé son droit à la liberté d’expression et qu’il a défendu courageusement ses confrères avocats des droits humains », estime Silke Pfeiffer, de l’organisation Brot für die Welt et membre du Jury Martin Ennals. 

À 1 045 km de chez lui

Avant son incarcération, Yu Wensheng a été harcelé, radié du barreau et condamné à l’issue d’un procès à huis clos pour incitation à la subversion du pouvoir de l’État. Selon des témoignages, Wensheng aurait aussi été torturé en détention et s’est vu refuser l’accès à des soins médicaux. En décembre 2020, un tribunal régional de la province de Jiangsu a rejeté l’appel formé contre sa peine de quatre ans de prison. Il a été transféré à la prison de Nanjing, à 1 045 km de sa famille, quelques jours avant la cérémonie de remise du Prix Martin Ennals. 

Sa femme Xu Yan a récemment été autorisée à lui parler brièvement par vidéoconférence. Elle l’a trouvé amaigri, affaibli, et ayant besoin d’être examiné par un médecin. 

Xu Yan se bat sans relâche pour les droits de son mari. « L’engagement de mon mari a toujours eu pour but d’aider les autres, et non lui-même. Il n’a fait qu’exercer ses droits à la liberté d’expression et à la pratique du métier d’avocat, qui sont garantis par la Constitution. Il n’est pas coupable et devrait être acquitté immédiatement. », a-t-elle déclaré à la Fondation Martin Ennals. « La détention de mon mari reflète l’injustice et le non-droit. Le gouvernement chinois ne respecte les lois et les règlements que lorsqu’ils lui sont favorables », a-t-elle ajouté. 

Soutien primordial de la communauté internationale

Selon les membres du Jury du Prix Martin Ennals, il faut faire preuve d’un immense courage pour être avocat-e des droits humains dans un régime autoritaire comme la Chine, et à une époque où les autorités chinoises réduisent au silence non plus seulement les militant-e-mais leurs familles également 

« En 2020, les autorités chinoises ont harcelé les défenseur-euse-s des droits humains qui ont lancé l’alerte sur le Covid-19, ont défendu les minorités ethniques ou ont lutté contre la corruption », constate Andrew Anderson, directeur exécutif de Front Line Defenders et membre du Jury. 

Dans ce contexte, le soutien de la communauté internationale envers les défenseur-euse-s des droits humains est primordial, car ils/elles n’ont souvent que cette bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher. Ce soutien peut prendre de nombreuses formes, notamment la visibilité et la publicité que le Prix Martin Ennals offre à ses lauréat-e-s. Les dix organisations membres du Jury du Prix Martin Ennals aident les défenseur-euse-s des droits humains à poursuivre leur travail en leur offrant par exemple des services juridiques, des aides au « repos et répit », ou encore un soutien psychologique. 

En savoir plus sur Yu Wensheng