Ouagadougou : Dr Diallo demande la paix, la sécurité et la justice pour tou-te-s les Burkinabé-e-s

mai 23, 2022

Depuis 2015, le Burkina Faso est plongé dans un violent conflit en raison de la présence de groupes armés extrémistes dans le nord du pays, à la frontière avec le Niger et le Mali. En raison de l’état d’urgence déclaré en 2018 et renouvelé en 2021, les libertés de mouvement et de réunion dans le pays sont limitées. Le mécontentement croissant des forces militaires à l’égard du leadership du président Kaboré, aggravé par des mois de manifestations antigouvernementales, a alimenté le coup d’État organisé par les militaires le 24 janvier.

Lors d’un récent entretien téléphonique, le Dr Daouda Diallo, lauréat du Prix Martin Ennals 2022, nous a parlé des récents développements au Burkina Faso, notamment de la condamnation du président Compaoré, de l’escalade de la violence et de la manière dont les défenseur-euse-s des droits humains font face à la situation sur le terrain.

Récemment, nous avons appris une bonne nouvelle du Burkina Faso. En 1987, Thomas Sankara, alors président du Burkina Faso, a été assassiné lors d’un coup d’État organisé par Blaise Compaoré. Trente-quatre ans plus tard, un tribunal burkinabé a condamné l’ex-président Blaise Compaoré (1987 à 2014), à la prison à vie pour le meurtre de son prédécesseur. Quelle est votre opinion sur ce nouveau développement ?

« La sentence du président Blaise Compaoré représente pour nous une victoire contre l’impunité après un procès qui a duré 34 ans. Nous sommes heureux que justice ait été rendue, et la famille de Thomas Sankara qui attendait le verdict est très soulagée. C’est la preuve que tôt ou tard, un jour ou l’autre, la vérité rattrape le mensonge », nous a confié Dr Diallo. Pendant plus de trois décennies, cet assassinat et le procès ont causé un profond traumatisme chez les Burkinabé-e-s. Il pense que les Burkinabé-e-s reprendront espoir et retrouveront un sentiment de justice grâce à cette condamnation.

Quelle est la situation actuelle au Burkina Faso, trois mois après le coup d’État du 24 janvier ?

 

De nouveau, le Dr Diallo affirme que le coup d’État est la conséquence d’une mauvaise gouvernance caractérisée par une corruption endémique, des violations systématiques des droits humains fondamentaux et des disparitions forcées de la population civile au Burkina Faso. Selon Diallo, même si les militaires sont au pouvoir aujourd’hui, la situation sécuritaire continue de se détériorer. Les factions djihadistes sévissent dans les territoires du nord. Il y a quelques semaines, dix-sept civils et treize militaires ont été tués lors d’un raid dans le nord du pays. Le gouvernement a envoyé des renforts pour sécuriser les bases militaires après ces attaques.

Plus de 2 millions de civils ont été déplacés en raison de l’escalade de la violence de ces dernières années et le coup d’État n’a pas contribué à améliorer la situation. « Malheureusement, nous continuons à assister à la disparition forcée de civils : en un mois, nous avons enregistré au moins 44 cas », a ajouté le Dr Diallo.

Le 1er avril, Paul-Henri Sandaogo Damiba, leader du coup d’État militaire du 24 janvier et président du gouvernement de transition, a annoncé l’ouverture du dialogue avec les groupes djihadistes. Il a présenté les « Comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix », dont l’objectif est d’ouvrir la discussion avec des membres des factions qui ont rompu le dialogue avec les autorités étatiques. Selon le Dr Diallo, il existe en effet un grand besoin d’échanger au niveau local entre les différentes parties, afin de désamorcer les tensions intercommunautaires nées du conflit.

 

Est-ce que vous vous sentez en sécurité aujourd’hui ?

Le coup d’État militaire a encouragé les civils armés des milices pro-État à poursuivre leurs actions et à user de leur influence ouvertement.

Le Dr Diallo et ses collègues se sentent en danger. Ils rendent régulièrement visite aux communautés de l’est du Burkina Faso, près des frontières avec le Niger et le Mali, la zone où il y a le plus de violence. La présence de milices armées dans l’est du pays constitue une menace pour les défenseur-euse-s des droits humains. Dans le cas du Dr Diallo, les groupes armés ont diffusé de fausses informations selon lesquelles il protègerait des terroristes djihadistes. Le Dr Diallo et ses collègues vivent sous tension et estiment que la situation n’est plus tenable.

Malgré cette situation, le Dr Diallo est déterminé à poursuivre son travail au Burkina Faso et à trouver un équilibre pour protéger sa sécurité personnelle. La Fondation Martin Ennals facilite le soutien psychologique et offre des opportunités de formation sur la sécurité aux défenseur-euse-s qui accomplissent leur travail dans des environnements hostiles.

Le Dr Diallo se rendra à Genève, en Suisse, pour recevoir le Prix Martin Ennals lors de la cérémonie du 2 juin.