Les minorités vulnérables au cœur du combat d’Alejandra Ancheita

avril 12, 2021

Alejandra Ancheita, avocate et militante mexicaine, est la fondatrice et la directrice exécutive de l’organisation ProDESC, basée à Mexico. Depuis sa création, Alejandra et son équipe ont mené un nombre importrant de campagnes visant à protéger les droits économiques, sociaux et culturels des personnes les plus marginalisées du Mexique. En 2014, elle a reçu le Prix Martin Ennals pour les défenseurs et défenseuses des droits humains. Cette année, elle rejoint la Fondation Martin Ennals en tant que membre du conseil de Fondation.

Vous étiez lauréate du prix Martin Ennals en 2014. Quel impact ce prix a-t-il eu sur votre vie et votre travail ?  

Sur le plan personnel, le prix m’a octroyé une protection bienvenue, en me faisant connaître du public. Il m’a également donné la confiance nécessaire pour continuer à faire mon travail, malgré les nombreux risques, défis et revers à supporter au quotidien. Sur le plan professionnel, le prix m’a donné l’occasion d’élargir mes réseaux au-delà des frontières du Mexique et de positionner le travail de ProDESC au niveau mondial. Le prix a joué un rôle central pour la durabilité, la croissance et l’impact de ProDESC 

Qu’est-ce que votre organisation ProDESC a accompli depuis lors ?

Organisation féministe et intersectionnelle, le principal objectif de ProDESC est de défendre et de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels afin de contribuer à leur application et à leur justiciabilité, et de construire ainsi une société plus juste et plus équitable. Pour atteindre notre objectif, nous avons développé une méthode innovante appelée « défense globale » qui permet une approche plus holistique de la défense des droits humains. Après avoir reçu le prix Martin Ennals en 2014, ProDESC a rapidement redimensionné son travail et sa portée auprès d’organisations et de fondations internationales. Aujourd’hui, presque sept ans plus tard, je peux dire avec conviction que ProDESC est devenue une organisation plus solide et davantage reconnue internationalement, avec des procédures internes claires, et une sécurité financière. Le prix a joué un rôle important dans la réalisation de ces objectifs. 

Vous êtes engagée dans les questions de droits humains depuis plus de dix ans. Quelle est la source de votre profond engagement ?

J’ai grandi dans une famille où les droits humains faisaient régulièrement partie des discussions, même si, à l’époque, le Mexique était gouverné par un régime autoritaire et que la défense des droits humains demeurait périlleuse. Mes parents sont à l’origine de mon engagement pour la défense des droits humains, en particulier les droits collectifs. J’ai choisi de devenir avocate justement pour développer de meilleurs outils pour le faire. J’ai obtenu un diplôme de droit dans une université publique, au moment où le Mexique franchissait des étapes décisives vers la démocratie. Pendant ce temps, les communautés indigènes du sud du pays réclamaient le respect de leurs droits, notamment l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN), le groupe le plus actif à l’époque. Ceci a également renforcé mon engagement en faveur de la défense des droits humains.   

Vous avez récemment rejoint le conseil d’administration de la Fondation Martin Ennals. Qu’est-ce qui vous a motivé à assumer ce nouveau rôle et quelles sont vos ambitions pour la Fondation ?

J’ai toujours admiré le travail de la Fondation pour valoriser les défenseureuses des droits humains en danger et l’importance de leur travail. L’idée de participer à cette mission en rejoignant le conseil de fondation m’a beaucoup et j’ai immédiatement accepté. La Fondation a une mission claire : honorer et développer l’héritage de Martin Ennals. Mon ambition est de continuer à promouvoir cet héritage en contribuant à la défense des droits humains dans le monde entier et faisant en sorte que la Fondation reste à la pointe de la protection des défenseureuses des droits humains. 

A titre plus personnel, rejoindre le conseil de Fondation est aussi une façon de rendre à la Fondation Martin Ennals une partie de ce que j’ai reçu après avoir remporté le Prix. J’envisage mon apport à la Fondation comme un moyen de faire entendre la voix des défenseureuses des droits humains du Sud, en particulier des femmes et des défenseureuses de la terre, du territoire et des ressources naturelles, car ce sont eux qui sont les plus menacé-e-s. 

Les droits humains sont soumis à de fortes pressions dans le monde entier en ce moment. Quel est votre message aux autres défenseur-euse-s des droits humains ?

La pandémie de COVID-19 a obligé l’humanité à faire preuve de créativité et de résilience. J’ai été témoin de beaucoup d‘histoires étonnantes de défenseureuses des droits humains qui continuent à faire leur travail avec succès malgré ces temps difficiles. Avec la pandémie, les inégalités se sont accrues ; les riches deviennent plus riches, tandis que les pauvres s’appauvrissent. Et il semble peu probable que le système économique actuel aille en s’améliorant structurellement parlant. Avec toute cette tristesse et les destructions causées par la pandémie et dont les conséquences continueront de se faire sentir dans un avenir immédiat, les défenseureuses des droits humains ont de quoi se sentir fatigué-e-s, voir même désespéré-e-s. Mais je souhaite toutefois leur adresser un message d’espoir et leur dire de ne pas baisser les bras car notre travail est plus important que jamais. Nous devons continuer à tenir les États et les multinationales responsables des violations des droits humains. La seule façon de « reconstruire en mieux » est d’aborder la reprise économique dans le plein respect des droits humains, en particulier pour les groupes vulnérables tels que les populations autochtones, les femmes et les travailleureuse.s.