Burkina Faso : exécutions extrajudiciaires sous couvert de lutte contre le terrorisme
Déclaration conjointe
Genève – Ouagadougou, 19 août 2022
L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) et la Fondation Martin Ennals souhaitent attirer l’attention des autorités du Burkina Faso et de la communauté internationale sur la résurgence des cas d’exécutions sommaires depuis le début du mois d’août 2022, dans le cadre d’opérations anti-terroristes que les autorités de transition burkinabés ont lancées depuis le mois d’avril 2022.
Des témoins affirment que, dans la seule journée du 8 août, des éléments des Forces de Défense et de Sécurité du Burkina Faso (FDS), habillés en tenues noires et encagoulés, auraient interpellé et exécuté près de 40 civils le long de la route Taffogo – Bouroum dans le centre-nord du pays. Les corps des personnes tuées ont été retrouvés ligotés, les yeux bandés et entassés par lots de cinq ou de 10. Depuis le début de ce mois, plus de 60 personnes ont été exécutées à l’est, au Sahel et au nord du pays, notamment dans les villages de Taffogo, Oursi, Guelyendé et Kongoussi.
Les proches des victimes affirment que les forces de sécurité étaient accompagnées de supplétifs armés appelés Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), un groupe dont le Comité contre la torture des Nations unies avait condamné le rôle dans les actes de torture perpétrés contre les civils en 2019.
Ces exécutions sommaires et massives font suite à une recrudescence d’attaques terroristes contre les forces armées et les civils, attribuées au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), une organisation terroriste agissant dans le Sahel. La dernière de ces attaques a eu lieu en juin 2022 à Seytanga dans le nord du pays. Les commerçants et leaders communautaires peuls qui habitent dans cette région sont ainsi suspectés de ravitailler, d’appartenir ou de collaborer avec des groupes armés non étatiques et terroristes qui achètent leurs marchandises lorsqu’ils traversent leurs villages.
Par ailleurs, le pays connaît ces derniers mois une propagation importante de messages haineux et d’appels à l’épuration ethnique contre la communauté peule qui est devenue, de manière discriminatoire, une cible dans la lutte contre le terrorisme. Les défenseurs des droits humains qui dénoncent cette situation, à l’instar du docteur Daouda Diallo, lauréat du prix Martin Ennals 2022, font l’objet de menaces répétées.
Bien que des enquêtes aient été officiellement annoncées ou diligentées, les procès et les sanctions judiciaires contre les auteurs de ces exécutions et leurs supérieurs hiérarchiques n’ont toujours pas eu lieu, faisant ainsi penser à une politique délibérée d’impunité. Le pays bénéficie d’appuis multiformes de la communauté internationale pour l’équipement et le soutien à des unités spéciales incriminées dans certains massacres.
Nos organisations invitent les autorités du Burkina Faso à protéger les droits humains dans la lutte contre le terrorisme, à éviter la stigmatisation de communautés spécifiques et à organiser des procès publics contre les auteurs et commanditaires d’exécutions sommaires.
De même, à quelques semaines du début de la 51e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, nos organisations invitent les partenaires du Burkina Faso à exiger que toutes les mesures nécessaires soient prises pour mettre un terme à ces exactions et à conditionner leur soutien à des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces crimes.